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Koyaanisqatsi

Koyaanisqatsi est un mot hopi signifiant vie déséquilibrée ou vie qui se désagrège. C’est le nom d’un film qui fut projeté hier en touche finale de la passionnante journée Nous ! le vivant, qu’organisaient, rue d’Ulm, à Paris, l’École normale supérieure, l’École nationale supérieure des arts décoratifs, le Museum national d’histoire naturelle et le journal Libération.

Réalisé en 1982 par Godfrey Reggio, Koyaanisqatsi montre, sur une musique lunaire de Philip Glass, les images d’un monde qui devient fou, emporté par la folie des hommes.

Pas de paroles, pas de mots. Seulement une suite d’images, sublimes, et le discours de la musique, qui tentent l’une et l’autre d’illustrer trois prophéties hopis qui ne seront expliquées, comme le titre lui-même, qu’à la fin du film : l’une qui parle des désastres qui découlent de l’exploitation des ressources ; la deuxième des réseaux de communications tissés sur la planète comme des toiles d’araignées ; et la troisième des chaudrons de feu qui un jour tomberont du ciel.

  1. If we dig precious things from the land, we will invite disaster.
  2. Near the Day of Purification, there will be cobwebs spun back and forth in the sky.
  3. A container of ashes might one day be thrown from the sky which could burn the land and boil the oceans.

Des paysages, des ciels, des nuages, des eaux, des machines, des routes, des explosions, des autoroutes, des microprocesseurs, des immeubles et des villes immenses. Et au milieu de tout ça, des hommes et des femmes tournés en accéléré, qui, à pied, en voiture ou en rames de métro, s’agitent, s’agitent comme les insectes d’une fourmilière qu’on aurait dérangée, courant dans tous les sens. Et quand ils ont fini de courir de leur pas saccadé, quand enfin ils font une pause dans leur course de canards sans tête, quel désabusement dans leur regard !

Les humains mis à part, pas d’animaux dans cette heure et demie d’images qui défilent : nous sommes devenus le seul vivant, le seul maître des choses, un démon terraformeur, constructeur et destructeur, seul être qui ait encore sa place sur cette planète tissée de réseaux.

Jusqu’où cela ira-t-il ? Jusqu’où cela pourra-t-il aller ? Le film suit une courbe qui s’accélère jusqu’à l’explosion finale, qui n’a rien d’un orgasme mais tout de l’éclatement de cette grenouille prétentieuse voulant se faire plus grosse que le boeuf.

C’est dans la chute, longuement filmée et tournoyante, d’un moteur de fusée dont on avait vu l’envol enflammé que se termine ce récit sans paroles.


On peut voir Koyaanisqatsi sur Archive.org.

On peut aussi n’écouter que la musique de Philip Glass sur divers sites, dont celui-ci.

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Irène Curie et Frédéric Joliot (à propos d’un portrait réalisé par Henri Cartier-Bresson)

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Avec leurs habits noirs, leur tête penchée, leur mains refermées l’une sur l’autre, leurs yeux las, on croirait voir des paysans surpris dans la tristesse et le malaise d’un jour de deuil.

Mais il s’agit d’Irène Curie et de Frédéric Joliot. Dix ans avant, ils ont, l’un et l’autre, reçu le prix Nobel. Ils sont des savants mondialement célèbres et respectés, des gloires nationales. Et voilà qu’il affichent, devant l’appareil du photographe venu tirer leur portait, un visage et une attitude emplie de gène et d’humilité.

De centaines de photos exposées au fil des murs de l’exposition que le CNAC Georges Pompidou consacre actuellement à Henri Cartier-Bresson, c’est la seule qui m’ait touché. Mais elle illustre, à elle seule, le talent du photographe qui sut, d’un regard, capter tant d’émotion.