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Marie Dandine


Cette femme portant un drôle de chapeau, c’est Marie Dandine, une de mes arrières grand-mères. Et cette photo est la seule dont on soit sûr qu’elle la représente. Elle figure sur un carte d’identité de pensionnaire réalisée le 13 février 1922 à Toulouse.

Marie Dandine, qui est née vers 1865,  est alors dans la cinquantaine. Elle est vêtue de noir, paraît porter un voile ou crêpe sur son chapeau bizarre et elle affiche, dans sa tête penchée, un regard triste.

Je me rends compte, en observant la photo agrandie, que ce ne sont pas des perles qu’elle porte comme ruban à son feutre mais plutôt des pierre ou des morceaux de bois diamantés, en forme de pyramide.

C’est à ses yeux noirs, à ses sourcils droits et à son regard triste que je crois la reconnaître dans deux autres photos, qui ne portent ni son nom, ni de date.

La première, dont on sait seulement qu’elle a été réalisée à Foix par un photographe du nom de Martin, probablement Charles Martin, montre une jeune fille, une jeune femme peut-être plutôt, qui a probablement une vingtaine d’années. Ce sont les sourcils et les yeux que je crois reconnaître. Elle se tient bien droite, une sorte de barrette dans les cheveux, vêtue de noir et portant sur ses épaules une étole noire qu’agrémentent quelques perles et paillettes et qu’éclaircit un grand nœud de satin porté devant.

Cette jeune femme est sérieuse et je trouve à nouveau son regard, qui ne paraît pas avoir d’objet, plein de tristesse.

On retrouve cette même jeune femme (cette fois-ci, j’en suis sûr car les yeux sont vraiment les mêmes), quelques années plus tard.

Dix ans, peut-être quinze ont passé. On reconnaît les yeux mais la jeune femme a mûri, s’est un peu empâtée, n’est plus tout à fait une jeune fille. Elle doit être dans la trentaine.

Elle est assise et autour d’elle on voit trois enfants : les deux plus âgés sont clairement des garçons ; le plus jeune, de blanc vêtu, est habillé comme une fille et ressemble à une fille mais peut-être est-ce un garçon. Il était courant, à l’époque, d’habiller les très jeunes garçons comme des filles.

Quant à la mère, qui porte un chignon, elle est à nouveau vêtue de  noir : robe noir, écharpe ou ruban noir autour du cou, regard toujours lointain et toujours un peu triste.

Marie Dandine est née vers 1865. En février 1887, elle a épousé, à Foix, Célestin. De ce mariage, sont nés quatre enfants : Marius, Georges, Edouard et une petite fille dont je ne connais même pas le nom. Je sais seulement d’elle qu’elle est morte en bas âge, à trois ou quatre ans.

Le garçon aîné, Marius, né en 1887, mourut en 1909, à 22 ans, alors qu’il faisait son service militaire à Foix. Je pense que la petite fille naquit à la toute fin des années 1880 et que c’est d’elle que cette femme porta déjà jeune le deuil. Mais d’autres deuils succédèrent au premier.  Le deuxième garçon, Georges, dont on sait qu’il avait reçu, en 1905, en septième, le prix d’excellence au lycée de Périgueux (On lui avait alors offert Robinson Crusoé), mourut quelques années plus tard, en 1916, devant Verdun.

Verdun, le troisième garçon, Edouard, le connut aussi. Combien de fois ai-je accompagné mon grand-père à ce pèlerinage annuel du côté de Douaumont ! Il y fut et il survécut. Et de cette fratrie, ce fut le seul à vivre longtemps, les trois autres étant partis tôt.

Dans sa carte d’identité réalisée en 1922 à Toulouse, Marie Dandine est appelée Marie Dandine Veuve Laguerre. C’était ainsi qu’on faisait alors. Mais sa signature reprend ce nom. Elle signe : Veuve Laguerre.


En accompagnement musical, on aura reconnu Tu n’en reviendras pas, ce texte d’Aragon, poignant, chanté ici par Marc Ogeret.