C’était autour du Luxembourg (le jardin), dans ces deux tours hebdomadaires dont je me dis chaque fois qu’un jour viendra peut-être où ils deviendront trois mais qui sont pour le moment deux et aiment à le rester.
Je m’étais dit que je ne me ferais pas violence, que j’irais à mon rythme, sans chercher à le dépasser. C’est donc tranquillement que je courus, nonchalamment, attentif malgré tout aux fleurs qui venaient d’être plantées, aux massifs rajeunis qui faisaient éclater leurs couleurs sur mon passage.
Quand les deux tours se terminèrent, je regardai ma montre et constatai que j’avais été plus rapide qu’à l’ordinaire.
C’est la première fois que je vivais cette expérience qu’évoquent parfois les contes et dont l’aimée m’avait parlé : c’est souvent quand on ne cherche plus à être rapide qu’on l’est, c’est souvent quand on a abandonné un objectif qu’on l’atteint.
J’avais connu cela dans le domaine de la mémoire et de l’oubli : il faut souvent, pour se souvenir d’une chose, focaliser son attention non sur la chose elle-même mais sur un à-côté et laisser ensuite l’esprit rétablir seul les liaisons manquantes, achever seul le tableau laissé inachevé. Cette attention détournée est plus efficace que l’attention directe.
C’est la première fois, cependant, que j’expérimentais ce même phénomène dans mon corps. Et de façon si éloquente : c’est quand on ne poursuit plus un objectif qu’on l’atteint et, plus radicalement, quand on ne cherche plus qu’on trouve.
Ou pour dire les choses autrement : le détour est souvent le meilleur moyen d’arriver à bon port. Et c’est parfois le seul.