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Polyeucte, martyr, tragédie chrétienne est une pièce de Pierre Corneille.

François Guizot,  ce protestant sévère si apprécié de celle que j’aime, l’évoque en ces termes dans une lettre à sa fille Henriette (citée par Olivia Pfender dans son mémoire de maîtrise : Guizot et Henriette : Education, genre et protestantisme) :

‘Tu as bien raison de préférer Polyeucte à Martine. Les plaisirs qui élèvent l’âme sont très supérieurs à ceux qui l’égayent. La gaieté est très bonne ; elle peut être très honnête et très douce ; elle prend place très légitimement et convenablement dans les cœurs droits et sereins. Mais elle ne les fortifie pas ; elle ne les grandit pas. C’est un plaisir superficiel. Les vrais, les bons plaisirs sont ceux qui pénètrent jusqu’au fond du cœur, et nous donnent la conscience que nous valons plus et mieux après les avoir goûtés ».

« Elever l’âme » – comment aurais-je pu résister à un tel objectif ? Je me suis donc lancé dans Polyeucte, que je ne connaissais que par les deux vers malheureux qui font la joie de tous les collégiens :

« Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,

Et le désir s’accroît quand l’effet se recule. »

Lu avec sérieux et dans son intégralité, Polyeucte est une œuvre terrible où l’on voit le héros éponyme, Polyeucte, noble arménien qui vient d’épouser une romaine, fille du gouverneur de la province, se convertir au christianisme et mourir en martyr, entraînant, par son martyre, dans le christianisme et le supplice, son épouse Pauline et son beau-père Félix.

Œuvre sans doute remplie de nobles sentiments mais non précisément de ceux que Pierre Corneille avait souhaité faire briller. Ça n’est plus la force du christianisme qui aujourd’hui nous émeut, dans cette œuvre, mais plutôt l’extraordinaire rigueur et honnêteté morale de Pauline, femme aimante, aimée et fidèle, au-delà même de la mort et de ce qui paraît être une trahison.

Mais ce qui frappe surtout – ce qui m’a surtout frappé – c’est, face à la grandeur et à la noblesse des personnages de Pauline et Sévère, la faiblesse, le manque de maturité, et la versatilité de Polyeucte. Jusqu’à sa condamnation, qui paraît le revêtir soudain de dignité,   Polyeucte agit comme un enfant, changeant constamment d’opinion et de décision, adoptant une conduite exagérée en tout, comme s’il errait, à la dérive, sans trop savoir à quoi se rattacher.

C’est cet être versatile et immature que la perspective de la mort va transfigurer.

PS : cet article a été « podcastisé » le 30 mars 2015.

One thought on “Polyeucte (de Pierre Corneille)”

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