Elie priant

Prières


Il y a dans Le Mesnevi, de Djalal Al-Dîn Rûmi (Rûmi), un petit conte intitulé Elie. C’est celui que je lis. Le voici :

Il y avait un homme qui, chaque nuit, mangeait des friandises en invoquant le nom de Dieu. Un jour, Satan lui dit :

“Ô homme sans dignité, tais-toi ! Jusqu’à quand répéteras-tu le nom de Dieu ? Tu vois bien qu’il ne te répond pas !”

L’homme eut le coeur brisé par ces paroles et ce fut dans cet état d’esprit qu’il tomba dans le sommeil. Il fit alors un rêve et vit Elie qui lui disait :

“Pourquoi as-tu cessé de répéter le nom de Dieu ?”

L’homme répondit :

“C’est parce que je n’ai eu aucune réponse et j’ai craint qu’il ne m’ait chassé de sa porte !”

Elie dit alors :

“Dieu nous dit : “C’est parce que j’ai accepté ta prière que je continue à t’entretenir dans cette préoccupation.””

Ta crainte et ton amour sont des prétextes pour entretenir ton intimité avec Dieu. Le seul fait que tu continues à prier t’annonce que tes prières sont acceptées.

J’aime beaucoup ce conte, sa morale et le fait que Rûmi ait mis ce propos dans la bouche d’Elie. C’est le geste de foi, est-il ici raconté, qui construit la foi et qui en est la preuve comme c’est le geste d’amour qui construit l’amour et qui en est la preuve. Un geste toujours recommencé, comme l’est la prière, car l’amour et la foi sont tension et doivent à chaque instant être renouvelés. Ils sont ce renouvellement.

“Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé”, disait d’ailleurs également, avant Pascal, Rûmi.

Et puis j’aime dans ce conte le portrait de Satan, l’incarnation du Mal, dépeint ici comme celui qui désespère, celui par lequel l’abattement advient, et également comme celui qui confond le majeur et le mineur, l’aspiration à Dieu et le fait de manger des friandises, comme si tout se valait…