Tous au Larzac

Le ciné-club de l’ENS projetait l’autre jour Tous au Larzac, un film réalisé en 2011 par Christian Rouaud.

Je ne connaissais pas ce film dont on sort heureux, confiant et ragaillardi, à la fois parce que la lutte qu’il raconte et son succès furent improbables, exemplaires et extraordinaires ; et parce que les témoins et acteurs qui les racontent, trente ou quarante ans après, sont emplis de gentillesse, de compréhension et d’émerveillement devant la tournure si singulière, si imprévue, que prit leur combat. Après tant de temps, ils ne sont toujours pas revenus de ces onze années folles, et ils sont, pour cela mais aussi pour leur sincérité, leur simplicité, leur bonté, adorables.

C’est l’improbabilité de tout ce qui se noua, de tout ce qui arriva à se nouer et à démentir tous les pronostics sérieux et rationnels qui pouvaient, qui avaient sans doute été faits sur le cours probable, raisonnable, des événements, qui étonne d’abord et rend joyeux parce que libéré du poids que fait ordinairement peser sur nos idées, sur nos projets, le réalisme, ce réalisme qui continuellement nous susurre que cela ne vaut pas la peine, que c’est perdu d’avance, que jamais on n’y arrivera.

La première improbabilité, que le film souligne, fut le choix initial des premiers mobilisés, ces 103 paysans du causse du Larzac, pour la plupart issus d’un milieu traditionnellement conservateur, de ne pas accepter la décision gouvernementale d’agrandir le camp militaire, de la contester et de se regrouper pour y faire obstacle. Comment, pourquoi, firent-ils le choix de l’insoumission, ces agriculteurs qui deux ans avant, en 68, ils le disent eux-mêmes, avaient majoritairement été du côté de l’ordre ? Quelle force les anima et les soutint pour qu’ils décident, à 103 sur les 108 dont les terres étaient menacées par l’extension du camp, pour qu’ils décident de faire front et de rester toujours unis dans une sorte de serment du jeu de paume ?

La deuxième improbabilité fut le soutien accordé à cette rébellion par deux forces localement puissantes et qui, elles aussi, jouaient à front renversé : le clergé catholique, dont certains membres épousèrent très vite la querelle des paysans, et la FDSEA, qui dans un premier temps (pas jusqu’à la fin) accompagna le mouvement et s’en fit le relais auprès de la très puissante FNSEA.

Il y eut ensuite l’extraordinaire convergence qui se fit entre ce mouvement paysan et plein de choses qui n’avaient au début rien à voir mais qui trouvèrent ensemble, au Larzac, un sens, une énergie communes : se rassemblèrent alors antimilitaristes, hippies, maoïstes, objecteurs de conscience, pacifistes, premiers écologistes, dans une configuration inattendue mais qui, miraculeusement, fonctionna parfaitement, dans un très long moment de grâce, permettant à la lutte de durer, de se renouveler, de grandir, de se faire connaître et reconnaître, en France comme à l’étranger, et finalement de triompher.

Une leçon d’optimisme.

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