Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’Amour de Dieu est un petit texte écrit par Simone Weil au début de la Deuxième guerre mondiale. Il est consacré à l’attention, faculté dont la formation « est le but véritable et presque l’unique intérêt des études », dit ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, parle des nombreuses vertus, enfin, de son apprentissage. Pour Simone Weil, l’attention est faite de veille, de vigilance légère, de mise en alerte de l’esprit ; il est, en cela, une préparation à l’attente de Dieu que constitue, au fond, la prière.
L’attention n’est pas la concentration, avec laquelle elle est si souvent confondue. Elle est même, d’une certaine façon, son contraire : « L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet, à maintenir en soi-même, à proximité de la pensée, mais à un niveau inférieur et sans contact avec elle, les diverses connaissances acquises qu’on est forcé d’utiliser. […] Et surtout la pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer. ».
L’attention est disponibilité, ouverture : « Il y a pour chaque exercice scolaire une manière spécifique d’attendre la vérité avec désir et sans se permettre de la chercher. Une manière de faire attention aux données d’un problème de géométrie sans en chercher la solution, aux mots d’un texte latin ou grec sans en chercher le sens, d’attendre, quand on écrit, que le mot juste vienne de lui-même se placer sous la plume en repoussant seulement les mots insuffisants. ».
Ainsi entendue, l’attention est toujours bénéfique, et les efforts d’attention toujours récompensés : « Si on cherche avec une véritable attention la solution d’un problème de géométrie, et si, au bout d’une heure, on n’est pas plus avancé qu’en commençant, on a néanmoins avancé, durant chaque minute de cette heure, dans une autre dimension plus mystérieuse. Sans qu’on le sente, sans qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus de lumière dans l’âme. ».
Cette lumière dans l’âme, c’est la capacité de saisir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on les pense, telles qu’elles existent et non telles qu’on les cherche ou qu’on les voudrait. Elle est, en cela, une forme de l’amour.
Et puis il y a ces deux phrases extraordinaires : « Les biens les plus précieux ne doivent pas être cherchés mais attendus. Car l’homme ne peut pas les trouver par ses propres forces, et s’il se met à leur recherche, il trouvera à la place des faux biens dont il ne saura pas discerner la fausseté. ».
Liens :
- Attente de Dieu, dont sont extraites les Réflexions, est disponible en version Word sur le site de l’Université du Québec à Chicoutimi.
- On trouvera sur le site de Littérature audio.com un autre enregistrement de ce texte par Ludovic Coudert.
- Bien que ce ne soit pas directement en rapport, on écoutera ou réécoutera avec plaisir l’enregistrement de l’émission que Les nouveaux chemins de la connaissance, sur France Culture, avait consacrée à l’amour de Simone Weil pour Jésus.
PS : on l’aura compris : l’illustration est la démonstration graphique de la première identité remarquable : (a + b)² = a² + 2ab + b²
Comme je suis heureuse de passer par ici ce soir. Je ne connaissais pas ce texte de Simon Weil. Je pense que sa voix résonne en toi comme en moi (sauf que tu l’as davantage lue et que tu la connais bien mieux). J’ai l’impression que nous nous entendons sur l’amour – mais qui peut vraiment savoir. Aussi, la poésie – ce texte parle de ses conditions. Elle met des mots sur cette attitude que je vis (dans les bons moments) par laquelle il me semble possible d’entendre (allons-y, donnons des bâtons pour nous faire battre) ce qui se dit dans le monde à tel moment, ce que le monde dit (mais une infinité d’autres choses sont dites à d’autres au même moment).
Bonjour, Quyên. J’étais sûr que le jour où tu lirais ce texte, il te toucherait profondément.
Tu me connais bien !