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“Ce que le courage du pêcheur doit au rocher battu par la mer”


Dans La nature, qu’il publie en 1836, Ralph Waldo Emerson proclame la sympathie, les résonnances, les correspondances – le lien profond unissant l’homme à la nature, qui fait qu’il se retrouve en elle et qu’il se perçoit, en son plus intime, comme une partie d’elle.

Le texte commence comme un poème, comme une ode à la jouissance d’être en communion avec la Création :

“Dans les bois, nous revenons à la raison et à la foi. Là, je sens que rien ne peut m’arriver dans la vie, ni disgrâce, ni calamité (mes yeux m’étant laissés) que la nature ne puisse réparer. Debout sur le sol nu, la tête baignée par l’air joyeux et soulevée dans l’espace infini, tous nos petits égoïsmes s’évanouissent. Je deviens une pupille transparente ; je ne suis rien, je vois tout ; les courants de l’Être universel circulent à travers moi ; je suis une partie ou une parcelle de Dieu.

À chaque instant, comme dans les Correspondances, de Charles Baudelaire, le monde nous fait signe, nous entoure et nous rassure de sa familiarité; nous sommes avec lui à tu et à toi :

“Le plus grand plaisir que procurent les champs et les bois est la secrète relation qu’ils suggèrent entre l’homme et les végétaux. Je ne suis pas seul et inconnu. Ils me font signe, et moi de même. Le balancement des branches dans la tempête est nouveau pour moi et ancien. Cela me prend par surprise et pourtant ne m’est pas inconnu.”

Cette perception de l’unité du monde, ce sentiment océanique dont parlaient Romain Rolland et Sigmund Freud, se traduit par l’amour de la beauté, d’une beauté qui ne peut être captée que par accident, dans un esprit d’insouciance, d’innocence :

“Les prestiges du jour, la rosée du matin, l’arc-en-ciel, les montagnes, les vergers en fleurs, les étoiles, les clairs de lune, les reflets sur une eau calme et toutes choses semblables, si elles sont trop ardemment pourchassées, deviennent de simples spectacles et se jouent de nous par leur irréalité. Quittez votre maison pour aller voir la lune et ce n’est que clinquant ; elle n’aura pas l’agrément qu’elle offre lorsque sa lumière brille sur un voyage commandé par la nécessité.”

Et d’un autre côté pourtant, c’est mêlée à l’humain que la beauté trouve son expression la plus haute, parce que – on croirait lire François Cheng – “la présence d’un élément plus spirituel est, à proprement parler, essentielle à la perfection de la beauté“, ou encore : “La beauté est la marque que Dieu appose sur la vertu.”

La beauté du monde, qui est une expression de l’univers, qui est “le héraut de la bonté intérieur et éternel”, est aussi un guide, une école : “Toutes les choses auxquelles nous avons affaire nous prêchent.”

“On ne peut douter que ce sentiment moral qui parfume ainsi les airs, qui croît avec la plante et qui imprègne l’ensemble des eaux du monde, ne soit saisi par l’homme et ne s’absorbe profondément en son âme. L’influence morale de la nature sur chaque individu est cette profusion de vérités qu’elle illustre pour lui.

Qui en dira jamais tout le prix ? Qui saura deviner ce que le courage du pêcheur doit au rocher battu par la mer, combien la paix intérieure de l’homme s’inspire du ciel azuré, dans les profondeurs immaculées duquel les vents pourchassent sans relâche les noirs troupeaux des nuées d’orage, le laissant sans ride ni tache, ou jusqu’à quel point nous avons emprunté notre industrie, notre prévoyance et nos affections à la contemplation des bêtes sauvages ?”.

Nous ne sommes pas fils de la nature ; nous en sommes frères :

“Le monde procède du même esprit que le corps de l’homme. C’est une incarnation de Dieu plus ancienne et inférieure, une projection de Dieu dans le non-conscient. Mais il diffère du corps en un point important. Il n’est pas, comme ce dernier, assujetti à la volonté humaine. Son ordre serein nous demeure inviolable. Par conséquent, il est pour nous le commentaire actuel de l’esprit divin. C’est un point fixe grâce auquel nous pouvons mesurer le chemin parcouru.”.

Le chemin parcouru ! Il s’agit bien de cela ! c’est de la Chute, en fait, qu’il s’agit, de la ruine du Tao, et de notre incapacité croissante à nous sentir chez nous dans le monde :

“A mesure que nous dégénérons, le contraste entre nous et notre demeure se fait plus évident. Nous sommes aussi extérieurs à la nature que nous sommes étrangers à Dieu. Nous ne comprenons pas le chant des oiseaux. Le renard et le daim s’enfuient à notre vue ; l’ours et le tigre nous mettent en pièces.”

Ce divorce avec la nature est un divorce avec nous-mêmes :

“La raison pour laquelle le monde manque d’unité et gît brisé et en morceaux, c’est que l’homme est séparé d’avec lui-même. Il ne peut pas étudier la nature tant qu’il ne satisfait pas à toutes les exigences de l’esprit. L’amour lui est tout aussi nécessaire que la faculté de percevoir. En fait, aucun de deux ne peut atteindre la perfection sans l’autre”.



Le texte lu est extrait du chapitre 5 : Discipline. En voici la version originale :

This ethical character so penetrates the bone and marrow of nature, as to seem the end for which it was made. Whatever private purpose is answered by any member or part, this is its public and universal function, and is never omitted. Nothing in nature is exhausted in its first use. When a thing has served an end to the uttermost, it is wholly new for an ulterior service. In God, every end is converted into a new means. Thus the use of commodity, regarded by itself, is mean and squalid. But it is to the mind an education in the doctrine of Use, namely, that a thing is good only so far as it serves; that a conspiring of parts and efforts to the production of an end, is essential to any being. The first and gross manifestation of this truth, is our inevitable and hated training in values and wants, in corn and meat.

It has already been illustrated, that every natural process is a version of a moral sentence. The moral law lies at the centre of nature and radiates to the circumference. It is the pith and marrow of every substance, every relation, and every process. All things with which we deal, preach to us. What is a farm but a mute gospel? The chaff and the wheat, weeds and plants, blight, rain, insects, sun, — it is a sacred emblem from the first furrow of spring to the last stack which the snow of winter overtakes in the fields. But the sailor, the shepherd, the miner, the merchant, in their several resorts, have each an experience precisely parallel, and leading to the same conclusion: because all organizations are radically alike. Nor can it be doubted that this moral sentiment which thus scents the air, grows in the grain, and impregnates the waters of the world, is caught by man and sinks into his soul. The moral influence of nature upon every individual is that amount of truth which it illustrates to him. Who can estimate this? Who can guess how much firmness the sea-beaten rock has taught the fisherman? how much tranquillity has been reflected to man from the azure sky, over whose unspotted deeps the winds forevermore drive flocks of stormy clouds, and leave no wrinkle or stain? how much industry and providence and affection we have caught from the pantomime of brutes? What a searching preacher of self-command is the varying phenomenon of Health!

Herein is especially apprehended the unity of Nature, — the unity in variety, — which meets us everywhere. All the endless variety of things make an identical impression. Xenophanes complained in his old age, that, look where he would, all things hastened back to Unity. He was weary of seeing the same entity in the tedious variety of forms. The fable of Proteus has a cordial truth. A leaf, a drop, a crystal, a moment of time is related to the whole, and partakes of the perfection of the whole. Each particle is a microcosm, and faithfully renders the likeness of the world.

Not only resemblances exist in things whose analogy is obvious, as when we detect the type of the human hand in the flipper of the fossil saurus, but also in objects wherein there is great superficial unlikeness. Thus architecture is called “frozen music,” by De Stael and Goethe. Vitruvius thought an architect should be a musician. “A Gothic church,” said Coleridge, “is a petrified religion.” Michael Angelo maintained, that, to an architect, a knowledge of anatomy is essential. In Haydn’s oratorios, the notes present to the imagination not only motions, as, of the snake, the stag, and the elephant, but colors also; as the green grass. The law of harmonic sounds reappears in the harmonic colors. The granite is differenced in its laws only by the more or less of heat, from the river that wears it away. The river, as it flows, resembles the air that flows over it; the air resembles the light which traverses it with more subtile currents; the light resembles the heat which rides with it through Space. Each creature is only a modification of the other; the likeness in them is more than the difference, and their radical law is one and the same. A rule of one art, or a law of one organization, holds true throughout nature. So intimate is this Unity, that, it is easily seen, it lies under the undermost garment of nature, and betrays its source in Universal Spirit. For, it pervades Thought also. Every universal truth which we express in words, implies or supposes every other truth. Omne verum vero consonat. It is like a great circle on a sphere, comprising all possible circles; which, however, may be drawn, and comprise it, in like manner. Every such truth is the absolute Ens seen from one side. But it has innumerable sides.

The central Unity is still more conspicuous in actions. Words are finite organs of the infinite mind. They cannot cover the dimensions of what is in truth. They break, chop, and impoverish it. An action is the perfection and publication of thought. A right action seems to fill the eye, and to be related to all nature. “The wise man, in doing one thing, does all; or, in the one thing he does rightly, he sees the likeness of all which is done rightly.”


Les queues de lapin illustrant ce papier sont porquerollaises. Je les ai photographiées un matin d’août 2018 dans la plaine Notre-Dame.


Les extraits en français sont tirés de la belle traduction de Patrice Oliete Loscos publiée aux éditions Allia.

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Shangri-La ou l’éloge de la modération



 

Les horizons perdus, de James Hilton, dont on connaît plus souvent le film éponyme qu’en a tiré Frank Capra, raconte la découverte, par des occidentaux des années 1930 dont l’avion a été détourné, d’une vallée perdue au milieu du Tibet, au sein de laquelle s’épanouit, depuis le XVIIIè siècle et sa fondation par le Père Perrault, venu du Luxembourg, une société fondée sur un mélange de bouddhisme et de christianisme. Shangri-La est le nom de cette contrée qui vit en autarcie, dans l’isolement de la haute montagne, épargnée du temps et des vicissitudes du siècle, et dans les temples de laquelle on entend “aussi bien le Te Deum Laudamus que le Om Mane Padme Hum“.

La vie à Shangri-La est fondée sur la modération, comme l’explique Chang aux visiteurs  :

Notre doctrine principale est la modération. Nous inculquons la qualité d’éviter les excès de toutes sortes, y compris, si vous voulez bien excuser le paradoxe, l’excès de vertu. Dans la vallée que vous avez vue et où plusieurs milliers d’habitants vivent sous notre domination spirituelle, nous avons remarqué que ce principe amène un degré considérable de bonheur. Nous gouvernons avec une sévérité modérée et, en retour, nous sommes gratifiés d’une obéissance modérée. Et je crois pouvoir prétendre que nos gens sont modérément sobres, modérément chastes et modérément honnêtes.


Le héros du livre, Conway, aime bien cette modération qui est en harmonie avec son propre flegme, et que nombre de ses interlocuteurs voient comme une apathie et un manque de caractère. J’aime bien, moi aussi, cette approche pragmatique qui, s’appliquant également à elle-même, garde ses distances avec les absolus et les doctrines, y compris celle de la modération. Ce n’est pas un scepticisme généralisé mais plutôt une façon de reconnaître l’imbrication des choses et l’impossibilité dans laquelle nous sommes le plus souvent – même si pas toujours ! – de distinguer non pas le mal du bien mais le tracé exact de la ligne les séparant.

Cette modération est placée sous le signe du et ; elle revient à embrasser la totalité du monde, en en reconnaissant l’épaisseur, la richesse, la contradiction, et en essayant de tout englober, au lieu de rejeter hors du monde les parcelles ou les grands pans de réalité ne collant pas à notre théorie, à la vision simplificatrice que nous avons des choses, à l’image idolâtre que nous en avons bâtie et qui n’est que la projection de notre esprit.

Cette modération, qui fait avec le monde beaucoup plus qu’elle ne prétend le réformer, s’apparente plus au radical-socialisme de Créon qu’à l’exigence absolue de pureté incarnée par Antigone. Elle est rondouillarde et bonhomme comme les statues du Bouddha devenu sage et non tranchante, fière et étique comme les anges de l’Apocalypse. Elle ne délivre pas d’autre idéologie que sa propre modération ; elle n’est d’ailleurs porteuse d’aucun message mais seulement d’une pratique.

Là est l’essence de Shangri-La et le sens de son utopie. Mais là aussi est sa faiblesse. Car Shangri-La, ne révélant rien au monde, doit indéfiniment se nourrir des idées et des apports exterieurs, comme elle doit se nourrir de nouveaux arrivants. Shangri-La conserve mais ne crée pas. Elle a du reste été créée comme une arche de Noé, un sanctuaire permettant aux œuvres et à l’humanité d’échapper aux soubresauts et aux destructions du monde moderne. C’est ce que confie à Conway, dans le passage que je lis, le maître des lieux, ce Grand Lama qui n’est autre que le Père Perrault, dont l’existence s’est miraculeusement allongée dans l’ombre des montagnes :

Nous ne suivons pas une expérience vaine, un simple caprice. Nous suivons un rêve et une vision. C’est la vision qui est apparue au vieux Perrault la première fois quand il se mourait dans cette pièce, en l’an 1789. Il revit alors sa longue vie, comme je vous l’ai déjà dit, et il lui parut que toutes les plus belles choses étaient passagères et périssables, tandis que la guerre, la convoitise et la brutalité les écraseraient peut-être un jour et alors elles disparaîtraient totalement de la surface de la terre. Il se rappela les scènes qu’il avait vues de ses propres yeux et il en imagina d’autres ; il vit les nations cultivant, non pas la sagesse, mais les passions vulgaires et la volonté de destruction ; il vit la puissance de la machine se développer jusqu’à ce qu’un seul homme armé puisse combattre l’armée entière du Grand Monarque. Et il perçut que, quand ils auraient ruiné la terre et la mer, ils s’empareraient des airs… Pouvez-vous dire que cette vision était fausse ?

— Très juste, au contraire.

— Mais ce n’est pas tout. Il prévit un temps où l’homme, exultant de sa technique homicide, se jetterait si violemment sur le monde que toute chose précieuse serait en danger, chaque livre et chaque tableau, chaque harmonie, chaque trésor vieux de deux mille ans, ce qui est petit, délicat, sans défense – tout serait perdu comme le livre de Livie, ou détruit comme les Anglais ont détruit le Palais d’Été à Pékin.

— Je partage votre opinion sur ce sujet.

— Évidemment. Mais que valent les opinions d’hommes raisonnables contre le fer et l’acier ? Croyez-moi, la vision du vieux Perrault se réalisera. Et c’est pourquoi, mon fils, je suis ici, et pourquoi vous y êtes aussi et nous pouvons prier pour survivre à la ruine qui menace de tous côtés.

— Survivre ?

— Il existe une chance. Tout ceci se produira avant que vous ne soyez aussi vieux que moi.

— Et vous pensez que Shangri-La y échappera ?

— Peut-être. Nous ne pouvons attendre aucune pitié, mais nous pouvons faiblement espérer d’être négligés. Nous resterons ici avec nos livres, notre musique et nos méditations, conservant la fragile élégance d’un âge se mourant, et cherchant la sagesse dont les hommes auront besoin quand leurs passions seront épuisées. Nous avons un héritage à conserver et à léguer. Prenons tout le plaisir que nous pouvons jusqu’à ce que vienne ce temps.

— Et alors ?

— Alors, mon fils, quand les forts se seront mangés entre eux, la morale chrétienne pourra enfin se réaliser et « les doux hériteront la terre ».

Shangri-La est une arche de Noé, vouée à préserver les beautés du monde de sa destruction, et Les horizons perdus rappelle en cela Fondation, d’Isaac Asimov, ou Le jeu des perles de verre, de Hermann Hesse, ces livres qui eux aussi parlent de sanctuaires conçus pour abriter le savoir des hommes de la folie des hommes.
C’est toujours l’idée que, laissée à la part créatrice de ses penchants, l’humanité nourrit la catastrophe, tandis qu’une autre part d’elle-même, paisible mais stérile, embrasse la sagesse, et peut, au cœur des monastères, sauver ce qui fut fait. Et c’est de ces deux êtres opposés et complémentaires que l’homme est fait, et de leur danse continuelle que l’histoire, comme l’amour, se construit.

 


La photo d’illustration a été prise à Hauteluce, un soir que nous descendions des Saisies tandis que la lune se levait derrière les montagnes.

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Le désir et la nécessité


Dans le chapitre II de La République, dont je lis ici un extrait, Socrate, cherchant à savoir d’où vient l’injustice, raconte la naissance de la cité, l’histoire de ces hommes qui s’assemblent et se répartissent le travail pour mieux répondre à leurs besoins. Puis Glaucon étant intervenu pour remarquer que cette cité, fondée sur la nécessité, n’était guère plaisante, Socrate reprend son modèle et y ajoute les arts, le luxe, les loisirs, tout en notant que, dans cette recherche des biens allant au-delà des besoins, la ville perd sa simplicité, sa santé, et trouve probablement la cause de sa chute dans la guerre et l’injustice.

Il a raison, Socrate : la recherche du superflu, la poursuite du désir, est la cause de bien des maux, et peut-être de tous. Et pourtant, vouloir que l’homme se limite à ses besoins, c’est nier son humanité.

C’est toujours cette histoire de la fuite hors du Jardin d’Eden, qu’on trouve aussi  dans les mythes d’Epiméthée et de Prométhée, dans la Genèse judéo-chrétienne et, en Orient, dans l’Oeuvre complète, de Tchouang-Tseu : l’idée qu’à l’instant même où, prenant conscience de lui-même, l’homme se sépare du reste de la Création, il s’ouvre à la fois à l’élévation et à la chute, à la lumière et aux ténèbres. Or cette conscience et cette séparation naissent du désir, de la tentation – ils sont ce désir-même et cette tentation : c’est parce que l’homme désire qu’il chute et, ayant chuté, il se retrouve désirant, toujours en quête d’autre chose, toujours insatisfait.

Le désir, c’est fondamentalement le fait de ne pas se contenter de ce qui est nécessaire, de vouloir autre chose que ce dont on a strictement besoin.  Vouloir plus, vouloir mieux – et cela dans tous les domaines, dans toutes les dimensions. Socrate parle à ce propos du luxe et des courtisanes, de la cuisine et des bijoux, mais il évoque aussi l’art et la musique, auxquels on pourrait ajouter la philosophie et la religion. Car la recherche de la vérité et du beau, l’appel du transcendant et du spirituel expriment tout autant, et sans doute plus, une aspiration à autre chose qu’un simple contentement de l’être.

Nés du désir, nous sommes des êtres désirants. C’est ce désir ancré en nous qui nous pousse à l’envie et à l’avidité, qui fait de nous des prédateurs et des êtres sauvages, qui nous rend agressifs et jaloux, et possessifs et égoïstes. Mais c’est ce désir aussi qui tourne nos yeux vers le ciel et les étoiles, qui fait de nous des hommes, des êtres aspirant à un au-delà de nous mêmes.

Il y a, dans le stoïcisme, dans certaines sagesses orientales, dans certaines façons, augustiniennes ou platoniciennes peut-être, de lire les Evangiles, un rejet absolu du désir considéré comme l’essence du mal. Et qui suit ces conceptions doit nier ses désirs, les refouler, les sublimer, s’interdire d’en avoir – quitte (mais ça n’est pas du jeu), à les rebaptiser quand ils sont là : “je dois, vois-tu, aller parmi les rennes sous le soleil de minuit ; cela m’est nécessaire.”.

On retrouve cette conception dans une frange de l’écologie qui, considérant à très juste titre que l’homme moderne est aliéné par ces mille objets de désir qu’il a transformés en besoins, et qu’il traîne comme des boulets pesants et polluants, plaide pour une sobriété qui se réduirait au nécessaire, quelque chose comme un monde un peu gris ou l’homme ne déparerait pas, une sorte de monastère qui, de François d’Assise, n’aurait retenu que la bure couleur de terre.

Mais l’homme ne peut pas ne pas déparer. Et la sobriété, ce n’est pas cela. La sobriété ne consiste pas à ne pas désirer, à ne pas vouloir plus que le strict nécessaire. La sobriété, cela consiste à gérer son désir, à le canaliser, en bonne ménagère.

Gérer le monde. Non pas s’en servir ou s’y servir comme on le ferait d’une proie mais le cultiver avec soin et respect, le jardiner avec amour, y planter nos œuvres et nos désirs et les faire fructifier. Embellir et enrichir ce monde qui est le nôtre, en le traitant non comme on le ferait d’un étranger mais comme on le fait de nous-même, comme on devrait le faire de nous-même, parce qu’il est nous-même.

Ce monde est fondé sur la nécessité ; nous sommes quant à nous des êtres de désir. La sobriété consiste à concilier les deux, non à nier l’un au profit de l’autre. Là est notre chemin.

 


En illustration, une spirale de galets blancs façonnée cet été sur une plage de Porquerolles et qui, dans la beauté de ce sable sur lequel le soleil se couchait, répondait au désir de créer, d’élever une petite oeuvre qui, dans la nuit, serait détruite par la mer mais qui, un moment, aurait embelli l’univers.

En introduction et conclusion musicale, More of the good, de Lisa Ekdahl, qui dit bien l’être désirant que nous sommes.


Le passage lu, extrait du chapitre II de La République :(traduction de Robert Baccou)

Ce qui donne naissance à une cité, repris-je, c’est, je crois, l’impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve d’une foule de choses ; ou bien penses-tu qu’il y ait quelque autre cause à l’origine d’une cité?

Aucune, répondit-il.

Ainsi donc, un homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi, un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins assemble en une même résidence un grand nombre d’associés et d’auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons donné le nom de cité, n’est-ce pas ?

Parfaitement.

Mais quand un homme donne et reçoit, il agit dans la pensée que l’échange se fait à son avantage.

Sans doute.

Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d’une cité ; ces fondements seront, apparemment, nos besoins.

Sans contredit.

Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture, d’où dépend la conservation de notre être et de notre vie.

Assurément.

Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s’y rapporte.

C’est cela.

Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de choses ? Ne faudra-t-il pas que l’un soit agriculteur, l’autre maçon, l’autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan pour les besoins du corps ?

Certainement.

Donc, dans sa plus stricte nécessité, la cité sera composée de quatre ou cinq hommes. 

Il le semble.

Mais quoi? faut-il que chacun remplisse sa propre fonction pour toute la communauté, que l’agriculteur, par exemple, assure à lui seul la nourriture de quatre, dépense à faire provision de blé quatre fois plus de temps et de peine, et partage avec les autres, ou bien, ne s’occupant que de lui seul, faut-il qu’il produise le quart de cette nourriture dans le quart de temps, des trois autres quarts emploie l’un à se pourvoir d’habitation, l’autre de vêtements, l’autre de chaussures, et, sans se donner du tracas pour la communauté, fasse lui-même ses propres affaires ?

Adimante répondit : Peut-être, Socrate, la première manière serait-elle plus commode.

Par Zeus, repris-je, ce n’est point étonnant. Tes paroles, en effet, me suggèrent cette réflexion que, tout d’abord, la nature n’a pas fait chacun de nous semblable à chacun, mais différent d’aptitudes, et propre à telle ou telle fonction. Ne le penses-tu pas ?

Si.

Mais quoi ? dans quel cas travaille-t-on mieux, quand on exerce plusieurs métiers ou un seul ?

Quand, dit-il, on n’en exerce qu’un seul.

Il est encore évident, ce me semble, que, si on laisse passer l’occasion de faire une chose, cette chose est manquée.

C’est évident, en effet.

Car l’ouvrage, je pense, n’attend pas le loisir de l’ouvrier, mais c’est l’ouvrier qui, nécessairement, doit régler son temps sur l’ouvrage au lieu de le remettre à ses momentsperdus.

Nécessairement.

Par conséquent on produit toutes choses en plus grand nombre, mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps convenable, se livre à un seul travail, étant dispensé de tous les autres.

Très certainement.

Il faut donc, Adimante, plus de quatre citoyens pour satisfaire aux besoins dont nous avons parlé. En effet, il est vraisemblable que le laboureur ne fera pas lui-même sa charrue, s’il veut qu’elle soit bonne, ni sa bêche, ni les autres outils agricoles ; le maçon non plus ne fera pas ses outils ; or, il lui en faut beaucoup à lui aussi. Il en sera de même pour le tisserand et le cordonnier, n’est-ce pas ?

C’est vrai.

Voilà donc des charpentiers, des forgerons et beaucoup d’ouvriers semblables qui, devenus membres de notre petite cité, augmenteront sa population.

Certainement.

Mais elle ne serait pas encore très grande si nous y ajoutions bouviers, bergers et autres sortes de pasteurs, afin que l’agriculteur ait des boeufs pour le labourage, le maçon, aussi bien que l’agriculteur, des bêtes de somme pour les charrois, le tisserand et le cordonnier des peaux et des laines.

Ce ne serait pas, non plus, dit-il, une petite cité si elle réunissait toutes ces personnes.

Mais, repris-je, fonder cette ville dans un endroit où l’on n’aurait besoin de rien importer est chose presque impossible.

C’est impossible en effet.

Elle aura donc besoin d’autres personnes encore, qui, d’une autre cité, lui apporteront ce qui lui manque.

Elle en aura besoin.

Mais si ces personnes s’en vont les mains vides, ne portant rien de ce dont les fournisseurs ont besoin, elles repartiront aussi les mains vides, n’est-ce pas ?

Il me le semble.

Il faut donc que notre cité produise non seulement ce qui lui suffit à elle-même, mais encore ce qui, en telle quantité, lui est demandé par ses fournisseurs. Il le faut, en effet.

Par suite, elle aura besoin d’un plus grand nombre de laboureurs et d’autres artisans.

Certes.

Et aussi d’agents qui se chargent de l’importation et de l’exportation des diverses marchandises. Or, ceux-ci sont des commerçants, n’est-ce pas ?

Oui.

Nous aurons donc besoin aussi de commerçants.

Assurément.

Et si le commerce se fait par mer, il nous faudra encore une multitude de gens versés dans la navigation.

Oui, une multitude.

Mais quoi ? dans la cité même, comment les hommes échangeront-ils les produits de leur travail ? C’est en effet pour cela que nous les avons associés en fondant une cité.

Il est évident, dit-il, que ce sera par vente et par achat.

D’où nécessité d’avoir une agora et de la monnaie, symbole de la valeur des objets échangés.

Certainement.

Mais si le laboureur ou quelque autre artisan, apportant sur l’agora l’un de ses produits, n’y vient pas dans le même temps que ceux qui veulent faire des échanges avec lui, il ne laissera pas son travail interrompu pour rester assis sur l’agora.

Point du tout, répondit-il ; il y a des gens qui, voyant cela, se chargent de ce service ; dans les cités bien organisées ce sont ordinairement les personnes les plus faibles de santé, incapables de tout autre travail. Leur rôle est de rester sur l’agora, d’acheter contre de l’argent à ceux qui désirent vendre, et de vendre, contre de l’argent aussi, à ceux qui désirent acheter.

Donc, repris-je, ce besoin donnera naissance à la classe des marchands dans notre cité ; nous appelons, n’est-ce pas ? de ce nom ceux qui se consacrent à l’achat et à la vente, établis à demeure sur l’agora, et négociants ceux qui voyagent de ville en ville.

Parfaitement.

Il y a encore, je pense, d’autres gens qui rendent service : ceux qui, peu dignes par leur esprit de faire partie de la communauté, sont, par leur vigueur corporelle, aptes aux gros travaux ; ils vendent l’emploi de leur force, et, comme ils appellent salaire le prix de leur peine, on leur donne le nom de salariés, n’est-ce pas ?

Parfaitement.

Ces salariés constituent, ce semble, le complément de la cité.

C’est mon avis.

Eh bien ! Adimante, notre cité n’a-t-elle pas reçu assez d’accroissements pour être parfaite ?

Peut-être.

Alors, où y trouverons-nous la justice et l’injustice ? Avec lequel des éléments que nous avons examinés ont-elles pris naissance ? 

Pour moi, répondit-il, je ne le vois pas, Socrate, à moins que ce ne soit dans les relations mutuelles des citoyens.

Peut-être, dis-je, as-tu raison ; mais il faut l’examiner sans nous rebuter.

Considérons d’abord de quelle manière vont vivre des gens ainsi organisés. Ne produiront-ils pas du blé, du vin, des vêtements, des chaussures? ne se bâtiront-ils pas des maisons? Pendant l’été ils travailleront la plupart du temps nus et sans chaussures, pendant l’hiver vêtus et chaussés convenablement. Pour se nourrir, ils prépareront des farines d’orge et de froment, cuisant celles-ci, se contentant de pétrir celles-là ; ils disposeront leurs nobles galettes et leurs pains sur des rameaux ou des feuilles fraîches, et, couchés sur des lits de feuillage, faits de couleuvrée et de myrte, ils se régaleront eux et leurs enfants, buvant du vin, la tête couronnée de fleurs, et chantant les louanges des dieux ; ils passeront ainsi agréablement leur vie ensemble, et régleront le nombre de leurs enfants sur leurs ressources, dans la crainte de la pauvreté ou de la guerre.

Alors Glaucon intervint : C’est avec du pain sec, ce semble, que tu fais banqueter ces hommes-là.

Tu dis vrai, repris-je. J’avais oublié les mets ; ils auront du sel évidemment, des olives, du fromage, des oignons, et ces légumes cuits que l’on prépare à la campagne. Pour dessert nous leur servirons même des figues, des pois et des fèves ; ils feront griller sous la cendre des baies de myrte et des glands, qu’ils mangeront en buvant modérément. Ainsi, vivant dans la paix et la santé, ils mourront vieux, comme il est naturel, et légueront à leurs enfants une vie semblable à la leur.

Et lui : Si tu fondais une cité de pourceaux, Socrate, dit-il, les engraisserais-tu autrement ?

Mais alors, Glaucon, comment doivent-ils vivre ? demandai-je.

Comme on l’entend d’ordinaire, répondit-il ; il faut qu’ils se couchent sur des lits, je pense, s’ils veulent être à leur aise, qu’ils mangent sur des tables, et qu’on leur serve les mets et les desserts aujourd’hui connus. 

Soit, dis-je ; je comprends. Ce n’est plus seulement une cité en formation que nous examinons, mais aussi une cité pleine de luxe. Peut-être le procédé n’est-il pas mauvais ; il se pourrait, en effet, qu’une telle étude nous fît voir comment la justice et l’injustice naissent dans les cités. Quoi qu’il en soit, la véritable cité me paraît être celle que j’ai décrite comme saine ; maintenant, si vous le voulez, nous porterons nos regards sur une cité atteinte d’inflammation ; rien ne nous en empêche. Nos arrangements, en effet, ne suffiront pas à certains, non plus que notre régime : ils auront des lits, des tables, des meubles de toute sorte, des mets recherchés, des huiles aromatiques, des parfums à brûler, des courtisanes, des friandises, et tout cela en grande variété. Donc il ne faudra plus poser comme simplement nécessaires les choses dont nous avons d’abord parlé, maisons, vêtements et chaussures ; il faudra mettre en oeuvre la peinture et la broderie, se procurer de l’or, de l’ivoire et toutes les matières précieuses, n’est-ce pas ?

Oui, répondit-il.

Par conséquent nous devons agrandir la cité – car celle que nous avons dite saine n’est plus suffisante -et l’emplir d’une multitude de gens qui ne sont point dans les villes par nécessité, comme les chasseurs de toute espèce et les imitateurs, la foule de ceux qui imitent les formes et les couleurs, et la foule de ceux qui cultivent la musique : les poètes et leur cortège de rhapsodes, d’acteurs, de danseurs, d’entrepreneurs de théâtre ; les fabricants d’articles de toute sorte et spécialement de parures féminines. Il nous faudra aussi accroître le nombre des serviteurs ; ou bien crois-tu que nous n’aurons pas besoin de pédagogues, de nourrices, de gouvernantes, de femmes de chambre, de coiffeurs, et aussi de cuisiniers et de maîtres queux ? Et il nous faudra encore des porchers ! Tout cela ne se trouvait pas dans notre première cité – aussi bien n’en avait-on pas besoin – mais dans celle-ci ce sera indispensable. Et nous devrons y ajouter des bestiaux de toute espèce pour ceux qui voudront en manger, n’est-ce pas ?

Pourquoi non ?

Mais, en menant ce train de vie, les médecins nous seront bien plus nécessaires qu’auparavant.

Beaucoup plus.

Et le pays, qui jusqu’alors suffisait à nourrir ses habitants, deviendra trop petit et insuffisant. Qu’en dis-tu ?

Que c’est vrai, répondit-il.

Dès lors ne serons-nous pas forcés d’empiéter sur le territoire de nos voisins, si nous voulons avoir assez de pâturages et de labours? et eux, n’en useront-ils pas de même à notre égard si, franchissant les limites du nécessaire, ils se livrent comme nous à l’insatiable désir de posséder ?

Il y a grande nécessité, Socrate, dit-il.

Nous ferons donc la guerre après cela, Glaucon ? Ou qu’arrivera-t-il ?

Nous ferons la guerre.

Ce n’est pas encore le moment de dire, repris-je, si la guerre a de bons ou de mauvais effets ; notons seulement que nous avons trouvé l’origine de la guerre dans cette passion qui est, au plus haut point, génératrice de maux privés et publics dans les cités, quand elle y apparaît.

Parfaitement.

volutes

“Telle est la prééminence des œuvres humaines”


Rabbi Mendel disait :

“Pourquoi Dieu commande-t-il le sacrifice aux humains et ne l’attend-il pas des Anges ? L’holocauste des Anges aurait plus grande pureté que jamais celui des hommes. Seulement, ce que réclame Dieu, ce n’est pas l’acte en soi, mais la préparation intérieure pour l’offrande. Les Anges, eux, ne pourraient accomplir que l’acte proprement dit du sacrifice dans leur sainteté : ils ne pourraient pas s’y préparer intérieurement. Tandis que l’homme est pris dans l’énorme enchevêtrement d’obstacles dont il lui faut se libérer : cette préparation, c’est son affaire. Et telle est la prééminence des œuvres humaines.”

Pour s’élever vers le ciel, la fumée se fraie un chemin dans l’air froid, et la lutte incessante du chaud et du froid crée les volutes, ces tourbillons aériens qui dessinent une danse gracieuse où les airs chaud et froid, collés l’un contre l’autre et qui d’abord ne se mêlent pas, tournent et virevoltent, faisant alterner montées et descentes, mouvements centrifuges et mouvements centripètes, dans un lent et silencieux ballet qui en dépit de tout s’élève, le mouvement ascendant l’emportant néanmoins sur l’autre, avant que la fumée progressivement ne s’évanouisse dans l’air qu’elle aura tout entier échauffé, tout entier comme ensemencé.

La musique aussi sait rendre cela, bien mieux que ne le savent les mots. “In the garden”, deuxième mouvement du Mrs Dalloway, de Max Richter, qu’on entend en courte introduction et en longue conclusion de mon propos, traduit aussi cette élévation semblable à une danse érotique où de nouvelles harmoniques viennent s’ajouter aux premières, les enrichissant progressivement, les élevant vers la lumière dans une montée irrégulière dont l’aboutissement orgasmique est aussi la dissolution.

“l’homme est pris dans l’énorme enchevêtrement d’obstacles dont il lui faut se libérer : cette préparation, c’est son affaire. Et telle est la prééminence des œuvres humaines.”

De ce combat avec lui-même, qui fait la grandeur de l’homme, les anges ne connaissent rien. Double combat, d’ailleurs, où il ne s’agit ni d’oublier le ciel, ni d’oublier la terre, mais de réunir les deux, comme dans ce proverbe iranien dont me parlait Mojgan ce matin, tandis que nous courions, qui célèbre l’arbre dont les feuilles et les branches peuvent d’autant plus s’agiter dans le vent et la liberté que ses racines sont bien ancrées dans la terre dont il est le fils. Tenir les deux bouts, tête dans les étoiles et pieds ancrés au sol, dans la pleine acceptation de cette si étrange humaine condition.

L’amour aussi nous fait comprendre cela, l’amour plus que tout sans doute, qui nous fait aimer les êtres qu’on aime de façon si pure, si désintéressée et pourtant aussi, pour celle ou celui vers laquelle nous porte autre chose qu’Agapé, de façon si profondément charnelle et incarnée ! Oh ! K. ! Porte des étoiles dont le toucher me fait frémir !

S’élever sans quitter le sol, tenir les pieds sur terre en gardant la tête haute, comme ces Femmes puissantes contées par Marie NDiaye, qui puisent leur force et leur grandeur dans la double conscience de leur faiblesse et de leur dignité, dans l’acceptation de leur humanité.

Paysage fractal, plein de méandres et de circonvolutions au sein desquelles notre vie se déroule et qui nous constitue.


Pourquoi ai-je daté mon dessin de volutes du 27 novembre et non du 27 mai ? Je ne le sais.