Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu (Simone Weil)

Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’Amour de Dieu est un petit texte écrit par … More Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu (Simone Weil)

Euthyphron, ou sur la piété : un dialogue de Platon

Euthyphron est un dialogue de Platon dont le sous-titre est Sur la piété. L’action prend place devant le portique royal … More Euthyphron, ou sur la piété : un dialogue de Platon

Détour

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C’était autour du Luxembourg (le jardin), dans ces deux tours hebdomadaires dont je me dis chaque fois qu’un jour viendra peut-être où ils deviendront trois mais qui sont pour le moment deux et aiment à le rester.

Je m’étais dit que je ne me ferais pas violence, que j’irais à mon rythme, sans chercher à le dépasser. C’est donc tranquillement que je courus, nonchalamment, attentif malgré tout aux fleurs qui venaient d’être plantées, aux massifs rajeunis qui faisaient éclater leurs couleurs sur mon passage.

Quand les deux tours se terminèrent, je regardai ma montre et constatai que j’avais été plus rapide qu’à l’ordinaire.

C’est la première fois que je vivais cette expérience qu’évoquent parfois les contes et dont l’aimée m’avait parlé : c’est souvent quand on ne cherche plus à être rapide qu’on l’est, c’est souvent quand on a abandonné un objectif qu’on l’atteint.

J’avais connu cela dans le domaine de la mémoire et de l’oubli : il faut souvent, pour se souvenir d’une chose, focaliser son attention non sur la chose elle-même mais sur un à-côté et laisser ensuite l’esprit rétablir seul les liaisons manquantes, achever seul le tableau laissé inachevé. Cette attention détournée est plus efficace que l’attention directe.

C’est la première fois, cependant, que j’expérimentais ce même phénomène dans mon corps. Et de façon si éloquente : c’est quand on ne poursuit plus un objectif qu’on l’atteint et, plus radicalement, quand on ne cherche plus qu’on trouve.

Ou pour dire les choses autrement : le détour est souvent le meilleur moyen d’arriver à bon port. Et c’est parfois le seul.

Leçons de vie du repassage

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Longtemps, je n’ai pas repassé.

Puis on m’a convaincu de le faire et je m’y suis mis.

Je ne le regrette pas. Repasser n’est pas désagréable : la table grince et crie plus qu’il ne le faudrait mais on trouve, à faire glisser et tourner le fer avec attention, le plaisir des activités méticuleuses.

Et puis il y a autre chose : à repasser des pulls, des pantalons, des chemises et des T-shirts, tous ces objets textiles voués à englober trois dimensions, on apprend que c’est avec délicatesse et dans un mouvement de conciliation qu’il faut manier le fluide, le mouvant, l’aérien, car à vouloir lui appliquer des règles et des façons rigides, on ne gagne rien et risque de tout perdre.

Qui veut repasser proprement une chemise doit donc d’abord mettre de côté ses habitudes d’ordre, de symétrie, de hiérarchie, pour apprendre à suivre et épouser, avec douceur et empathie, éveil et ouverture, les formes rondes et molles du tissu. Il y faut de l’attention, une certaine forme de bienveillance, de la souplesse (du poignet comme de l’esprit), de la patience et de la maîtrise de soi car toute tentative visant à brusquer cette matière qui paraît pourtant si docile se paie d’un froncement sans retour. Aussi lourd, solide et massif que soit le fer comparé au tissu, il ne peut en effet rien faire contre lui et c’est forcément avec lui qu’il doit avancer et composer.

Loin de marquer l’écrasement brut du textile par le métal, le repassage est ainsi art de conciliation et d’accompagnement, de dialogue et d’échange.  Il ne s’agit ni d’affrontement ni de passage en force, il s’agit d’un mouvement de danse qui ne peut prospérer que dans un effort partagé et gracieux de compréhension mutuelle.

C’est une leçon de vie.

PS : cet article a été « podcastisé » le 25 mars 2015.